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Ecriture inclusive : quand la science dément le déni des dominants

Lundi 30 octobre 2023, Macron inaugure la cité de la langue française. Pendant la cérémonie il dénigre l’écriture inclusive, alors que le Sénat étudie une proposition de loi visant à « protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive ». Proposition de loi portée par Pascale Bruny (Les Républicains). Rappelons que l’écriture inclusive vise à sortir de l’invisibilisation du féminin dans la langue. Qu’en dit la science ?

Cette idée du masculin l’emportant sur le féminin ne date que du XVIIème siècle. Le Moyen Age, estimé comme période obscure était pourtant bien plus égalitaire à de nombreux égards que l’époque moderne (entre la Renaissance et la Révolution française) où les femmes sont devenues, en Europe, des biens au même titre que les terres et le bétail.
Ainsi dans la langue française, Vaugelas (grammairien, un des premiers membre de l’académie française) indique en 1647 : "le genre masculin, étant le plus noble, doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble". Les noms féminins de métiers comme mairesse, poetesse et officière sont supprimés et l’accès des femmes à ces professions limité pour les faire disparaître progressivement de l’espace public et les cantonner à des travaux, pénibles, précaires, invisibles et peu valorisés.
Quand l’école publique devient obligatoire, en 1882, c’est ainsi qu’on formate les enfants dans ce rapport de domination.

Macron le sait, Macron s’en fout

Macron persiste. Difficile de ne pas y voir un badinage avec les forces politiques passéistes et conservatrices. Et cette obstination funeste, porte d’entrée à toutes les dominations, ne fait pas oublier l’absence de résultats contre la lutte des violences faites aux femmes, parce qu’elles sont femmes.

Pour lui, « la force de la syntaxe [de la langue française] est de ne pas céder aux airs du temps ». Des propos accueillis par des applaudissements nourris. « Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin de rajouter des points au milieu des mots ou des tirets pour la rendre lisible ».

Macron ne craint aucune contradiction : dans ce même discours, il déclare "Une langue fondatrice de notre rapport au monde", « La langue française bâtit l’unité de la nation » et c’est « une langue de liberté et d’universalisme ». « A un moment où les divisions reviennent, les haines ressurgissent, où on voudrait renvoyer les communautés dos à dos, les religions, les origines, la langue française est un ciment », a continué Macron. Un ciment... conservateur rétrograde qui se veut être les fondations de la domination masculine. Comme si la masculinité toxique n’était pas asssez ancrée et encrée dans notre civilisation à vouloir assoir un peu plus une domination enracinée dans nos mots, nos phrases et notre pensée.

La féminisation avance doucement

Mais n’en déplaise à Macron, la féminisation est de plus en plus présente. Cette féminisation des textes a commencé par les militantes et doucement (trop), les institutions, l’enseignement, la culture, s’en emparent. En exemple, ne citons que... le site du gouvernement français qui utilise l’écriture inclusive depuis 2021, avec un point médian dans les noms de métiers, comme "citoyen·ne", "député·e", "ministre·re", "Médecin·ne·s". Merci à la webmasterice.
Dans d’autres pays francophones : Belgique, Canada, Suisse romande les autorités développent des guides pour aider à démasculiniser la langue française. L’Académie française reste viscéralement attachée au patriarcat.

Dans notre cerveau, le neutre fait le masculin.

La féminisation est une réelle avancée, un outil concret qui permet de rendre visible une majorité opprimée et de lutter contre la domination masculine. La science le confirme.

Il est désormais bien établi que l’utilisation du masculin générique engendre des représentations mentales déséquilibrées en faveur du masculin. Dans une étude récente parue dans la revue Frontiers in Psychology, une équipe de scientifiques a démontré que les formulations neutres, sans marque de genre grammatical, ne permettent pas d’éliminer complètement le biais vers le masculin, au contraire des formes doubles qui mentionnent à la fois le masculin et le féminin.

Mais on le sait bien, aucune évidence scientifique ne viendra infléchir le désir de toujours dominer un peu plus. Alors, la lutte continue, avec notre écriture, nos actions, notre courage pour une égalité réelle et libératrice.

Alter

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