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Des pesticides interdits retrouvés dans votre eau potable

Des traces de pesticides interdits depuis 20 ans sont toujours présents dans l’eau potable de la SMEP Rhône sud. La SMEP alimente un bassin de vie de 149 000 habitants. Quels sont ces pesticides ? Sont-ils autorisés ?

Le rapport venu à l’appui de la délibération prise par les élu.e.s de Vienne Condrieu agglomération ce 30 janvier est dédié à contribuer au plan contre les PFAS voulu par la collectivité. Cette question des PFAS est éminement grave, et un détail a attiré notre attention dans ce document qu’on a pu se procurer. Le délégataire, l’exploitant de la station de pompage située sur le champ captant de Ternay-Chasse, se nomme la SMEP. Elle fait dans ce rapport un état des lieux global à l’appui des actions qu’elle devra mener pour réduire les PFAS dans l’eau de consommation pour entrer dans les normes européennes.

Dans cet état des lieux, voilà ce que dit la SMEP à propos des pesticides :
Rappel des limites de qualité :
 Ressource – eaux brutes : < 2.00 μg/l par pesticide, < 5.00 μg/l somme des pesticides
 Production (eaux mises en distribution) : < 0,10 μg/l par pesticide, < 0,50 μg/l somme des
pesticides
Composés détectés cette année à des concentrations inférieures aux limites de qualité :
 ATRAZINE
 ATRAZINE-DESETHYL-DEISOPR
 DESETHYL ATRAZINE
 ETHIDIMURON
 METALDEHYDE
 METOLACHLOR ESA
 METOLACHLORE
 SIMAZINE
 TEBUTHIURON
En sortie de station de traitement, au point de mise en distribution, les teneurs enregistrées ont été inférieures au seuil de quantification de la méthode analytique. Ainsi, les limites de qualité réglementaires pour les pesticides ont été respectées.

Dont acte. Pas de dépassement de seuils réglementaires. Mais des molécules interdites sont-elles soumises à des seuils ? Voici maintenant ce qu’on sait des molécules nommés ci-dessus.

L’atrazine est la substance active d’un pesticide appartenant à la famille chimique des triazines qui présente un effet herbicide.Très utilisée depuis les années 1960 du fait de son prix modéré, de son efficacité et de son ancienneté sur les marchés, l’atrazine continue à être utilisée actuellement dans beaucoup de pays dont les États-Unis, où quelque 40 000 tonnes seraient épandues chaque année sur des cultures telles que le maïs, le blé, le sorgho et la canne à sucre7 pour le traitement en pré et post-émergence des adventices (plantes indésirables).
L’atrazine a été interdite dans l’Union européenne depuis 2003 et en Suisse depuis 20127.
De 2002 à 2006, en France, une vaste étude épidémiologique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), réalisée en Bretagne sur quelque 3 5009 femmes enceintes en début de grossesse, « a mis en évidence que les femmes ayant des traces d’atrazine dans les urines avaient 70 % de risque supplémentaire de mettre au monde un enfant ayant une faible circonférence crânienne à la naissance. Avec, pour conséquence, un moindre développement neuro-cognitif »et « avaient 50 % de risque supplémentaire d’avoir un enfant de petit poids à la naissance ». Le biologiste Tyrone Hayes, de l’université de Berkeley en Californie, une référence mondiale dans ce domaine, est arrivé à la même conclusion que l’INSERM. En 2007, il publie un rapport mettant en cause l’atrazine comme cause potentielle de certains cancers de la prostate et de cancer du sein. Cette molécule semble de plus avoir un effet épimutagène.

L’éthidimuron est un herbicide non sélectif appartenant à la famille des urées substituées.
L’éthidimuron présente une toxicité vis-à-vis des organismes aquatiques. Il persiste dans le sol pendant plusieurs années. interdit en France depuis 2003

Le métaldéhyde est une substance active de produit phytosanitaire qui présente un effet molluscicide et qui est employé pour tuer des limaces et autres gastéropodes.
Il est vendu sous les marques Antimilice, Ariotox, Cekumeta, Deadline, Halizan, Limatox, Limeol, Meta, Metarex M, Metason, Mifaslug, Namekil, Slug Death, Slug Fest Colloidel 25, Slugit, Slug-Toxclartex+ r, copalim sr, helarion ld, limarion, limatak b, limatic, superlimastop. Il est inflammable et utilisé comme combustible solide pour les réchauds portatifs en camping ou en modélisme. Sa combustion ne produit ni fumée ni cendre. Sous forme de petites tablettes blanches dans cet usage, il est connu et commercialisé sous l’appellation "alcool solide" ou tout simplement "méta".
Le métaldéhyde est un composé très toxique pour les animaux domestiques (chats, chiens) et sauvages (notamment le hérisson qui en avalant les limaces empoisonnées s’empoisonne à son tour) ainsi que pour l’homme. Il est généralement utilisé sous forme de comprimés ce qui favorise les risques d’empoisonnement par ingestion notamment chez les enfants. Son utilisation est donc à déconseiller si l’on a de jeunes enfants ou des animaux domestiques.
L’action du métaldéhyde est mal connue du point de vue toxicologique. En effet, bien qu’il soit facilement hydrolysé en acétaldéhyde notamment et que ce dernier est un neurotoxique bien connu, les effets sur l’organisme du métaldéhyde ne correspondent pas à ceux de l’acétaldéhyde. Le métaldéhyde a un effet irritant prononcé. Il induit également une sorte d’ébriété et une hypersalivation.
Une ingestion de traces peut donner une hypersalivation, une rougeur faciale, de la fièvre des crampes abdominales, des nausées et des vomissements. Jusqu’à 50 mg/kg, les autres effets suivants ont été constatés : somnolence, tachycardie, spasmes, irritabilité. Jusqu’à 100 mg/kg, ataxie et augmentation du tonus musculaire apparaissent. En augmentant les doses jusqu’à 400 mg/kg, se succèdent les effets suivants : convulsions, tremblements, hyperréflexie, contractions musculaires, coma, mort . Depuis le 1er janvier 2019, le méthaldéhyde n’est plus autorisé à la vente pour les particuliers en France.

Le metolachlor –esa
Ce qu’en dit l’ANSES en février 2023 :
S-métolachlore : vers l’interdiction des principaux usages pour préserver la qualité des eaux souterraines
L’Anses a mené une expertise sur le risque de contamination des eaux souterraines par la substance herbicide S-métolachlore et ses métabolites. L’évaluation montre que les concentrations estimées des trois métabolites métolachlore-ESA, métolachlore-OXA et métolachlore-NOA dans les eaux souterraines sont supérieures à la limite de qualité fixée par la législation européenne en la matière.

Afin de préserver la qualité des ressources en eau, l’Anses engage la procédure de retrait des principaux usages des produits phytopharmaceutiques à base de S-métolachlore.

Le S-métolachlore est l’une des substances actives herbicides les plus utilisées en France. Elle se dégrade en métabolites qui migrent dans les milieux : les sols et les eaux de surface et eaux souterraines.
Lors des contrôles des eaux destinées à la consommation humaine, les métabolites du S-métolachlore ont été fréquemment détectés à des concentrations dépassant les normes de qualité.
Dans ce contexte, l’Agence a collecté toutes les données de présence des métabolites du S-métolachore dans les eaux (souterraines, de surface et distribuées pour la consommation humaine) à travers son dispositif de phytopharmacovigilance et publié son rapport en 2021. A l’issue de ce rapport, l’Agence a introduit des mesures de restriction dans les autorisations de mise sur le marché des produits à base de S-métolachlore, en particulier une réduction des doses maximales d’emploi pour le maïs, le tournesol, le soja et le sorgho.
Pour vérifier l’impact de ces modifications d’emploi, l’Anses a évalué les concentrations du S-métolachlore et de ses métabolites dans les eaux souterraines. Cette évaluation visait à vérifier le respect des critères de conformité définis par la législation européenne. Elle a pris en compte les données les plus récentes disponibles sur la substance et ses métabolites. L’Agence conclut que les concentrations estimées des trois métabolites du S-métolachlore (ESA, OXA, NOA) dans les eaux souterraines sont supérieures à la valeur seuil définie dans le règlement (UE) n°546/2011.
Ainsi, malgré la réduction des doses maximales d’application des produits, l’Anses pointe un risque de contamination des eaux souterraines par les métabolites du S-métolachlore.
Au vu de ce risque pour la qualité des ressources en eau, l’Anses engage une procédure de retrait des principaux usages des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active S-métolachlore. Cela permettra de réduire la contamination de l’environnement par cette substance et contribuera donc à une restauration progressive de la qualité des eaux souterraines.

La simazine est une substance active de produit phytosanitaire (ou produit phytopharmaceutique, ou pesticide), qui présente un effet herbicide, et qui appartient à la famille des triazines.
C’est un herbicide sélectif et à action systémique, qui a été développé par la société Geigy (aujourd’hui Novartis) et commercialisé la première fois en 1956. Elle est utilisée pour traiter les adventices feuillues et les graminées annuelles.
Son usage a été interdit depuis 2003 en France, et au plus tard en 2007 par l’Union Européenne. Molécule présente dans les produits anti algues pour aquarium du type algol de chez jbl
La simazine a été développée dans les années 1950 par Geigy AG, et mise pour la première fois sur le marche en 1956. et fut un grand succès commercial. Cependant, à la suite d’une série de fusions, la section agricole de Geigy appartient à présent à Syngenta.
Tout comme l’atrazine, la simazine inhibe le processus de photosynthèse. Elle reste active dans le sol 2 à 7 mois après son application.
La simazine a été utilisée en agriculture comme herbicide à action sélective contre les mauvaises herbes à feuille large et les graminées. Elle a été particulièrement utilisée dans les cultures de maïs. Elle convient en effet comme herbicide dans les cultures de plantes à racines profondes. Sur les surfaces non agricoles, elle a également servi d’herbicide total.
Du fait de son utilisation intense, des résidus de plus en plus nombreux de simazine ont été trouvés dans l’eau potable

Le tébuthiuron est un herbicide à large spectre non sélectif destiné à contrôler les plantes herbacées et ligneuses, les mauvaises herbes annuelles, les graminées vivaces et les mauvaises herbes à feuilles larges. Ce produit est adopté dans le contrôle de la végétation totale dans les zones non cultivées, des plantes ligneuses indésirables dans les pâturages et les fermes ainsi que la lutte contre les graminées et mauvaises herbes à feuilles larges dans les cannes à sucre.
Trois dérivés de l’urée, le thiazafluron, le tebuthiuron et l’éthidimuron, tous trois utilisés en désherbage industriel, sont considérés comme particulièrement persistants (persistance supérieure à 1 an). — (René Scalla, Les herbicides : mode d’action et principes d’utilisation, page 330, INRA, 1991)
Impossible de déterminer si cet herbicide est toujours autorisé en France, très peu d’infos disponibles sur le web.

Au regard de ces informations, la conclusion est simple. La plupart de ces pesticides sont interdits, et depuis longtemps. Soit leur persistance dépasse les données scientifiques, soit ils sont encore utilisés malgré leur interdiction, et finissent dans la station de pompage du Rhône.

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