Analyses Vienne - Isère

Meurtre à Nanterre : Abadie, députée du Nord Isère, approuve, "point barre".

La députée Abadie nous livre une nouvelle fois son analyse toujours aussi simpliste du meurtre du jeune Nahel, à Nanterre le mardi 27 juin.

https://alter-vienne.info/ecrire/?exec=article_edit&new=oui&id_rubrique=2#Nahel M., 17 ans, a été tué, mardi 27 juin 2023, lors d’un contrôle à Nanterre. Une vidéo a remis en cause la version de sources policières pour justifier le tir du policier.

Le maire de Nanterre appelle au calme. Pourquoi n’appelle-t-il pas la Police à ne pas abattre les jeunes de sa commune ?
Parce qu’il est difficile d’imaginer que la police tue sans raison, et/ou par racisme. Et pourtant les faits sont là : le 18 août à Vénissieux, le 4 juin à Paris, le 24 avril également au cœur de capitale, le 26 mars à Sevran et d’autres encore. Ces derniers mois, plusieurs contrôles de police se sont terminés par des tirs mortels, au motif d’un « refus d’obtempérer », suscitant des débats sur l’usage des armes à feu par la police. Depuis début 2022, Nahel est le 15ème automobiliste tué par la police.

Et à chaque fois, c’est le même scénario :
La police se jette sur le casier judiciaire en espérant trouver de la matière pour justifier qu’un gosse de dix sept se prenne une balle. C’est la peine de mort rétablie arbitrairement par des individus appartenant à une insitution censée protéger la population.

La police en appelle à la présomption d’innoncence pour leur collègue mais diffuse le casier des victimes pour justifier de tels actes : deux poids, deux mesures, des vies comptent plus que d’autres. Comment ne pas en vouloir à la Police ?

Quelles sanctions pour les peoples ou les "fils et filles de" comme celui de Zemmour ou de Morano qui ont causé des accidents graves, en état d’ébriété, sous l’emprise de stupéfiant, et qui commentent des délits de fuite ? Pourquoi eux ne sont-ils pas abattus pas les flics ?

Et quand le casier est vide, la police invente une version des faits pour minimiser la responsabilité du tireur. L’institution censée faire respecter la loi ment. Là encore, comment ne pas en vouloir à la Police ?

Combien de vicimes des mensonges et de la violence de la police n’ont pas été filmées ? La police ment, la police tue...

Quai Jean-Jaurès pendant les émeutes Juin 2023
Porte de garage taguée à Vienne : "la police ment"
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Place du Jeu de Paume à Vienne Juin 2023
Mur tagué, à Vienne : "la police tue"
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Alors ACAB ? Oui, assurément quand on lit les communiqués des syndicats de police et que l’immense majorité des policièr.e.s ne s’en désolidarise pas.

Juste après le décès, l’ambulancier qui connaissait Nahel crie sa détresse et sa douleur : "Vous allez voir comment ça va venir ce soir. Là, tout le monde est en train de dormir, vous allez voir comment Nanterre ça va se réveiller. [...] Tu vois qu’il a une gueule d’enfant. Pour un défaut de permis ! Pour un defaut de permis, frère ! Je le connais le petit, je l’ai vu grandir ! Sa mère elle l’a élevé toute seule, son père il l’a quitté, elle va enterrer son fils ! Pour un défaut de permis !"
L’ambulancier a été placé en garde à vue pour "outrage" et "menace". L’Etat est à l’image de Renaissance. Notre démocratie autoritaire ne peut entendre ni arguments, ni demandes, ni émotions... C’est toujours le même refus de discuter du conflit, toujours la sourde oreille à l’autre qui est différent.e.

La réaction d’Abadie, députée du nord-isère :

Alors Abadie, notre députée connue pour sa largesse d’esprit, nous délivre, quelques heures après le drâme, une analyse toujours aussi nuancée, humaniste, intelligente et rassembleuse :

Abadie, députée Nord-Isère : "quand il y a un barrage de police, on s’arrête, point barre"

Madame Abadie, comment ne pas comprendre qu’un jeune qui se fait braquer par un flic ne prenne pas peur ? Comment prendre au sérieux des policiers sensés nous protéger (Art-12 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen) et qui en réalité, se prennent pour des cowboys ? Comment avoir confiance dans l’institution policière quand ses frères et soeurs, ses parents, et grand-parents ont été victimes de son racisme et de sa violence que vous qualifiez de légitime ?


- La violence légitime ?
- Abadie : Voilà, on est dans un état de droit. Il faut quand même aussi rappeler les fondamentaux : quand il y a un barrage de police, on s’arrête, point barre.

Elle assume donc nous représenter et légiférer grâce à ce qu’elle appelle la violence légitime. La députée Renaissance protège la police, la police protège le régime Renaissance. Une "démocratie" autoritaire qui tient à force de lacrymo, LBD, de véhicules blindés et d’exécutions sommaires.

Mais Abadie piétine la réalité, instrumentalise l’actualité et les émotions de ses électeurices.

Point Barre : Locution interjective, familière : Tout a été dit, il n’y a rien à rajouter.

Ce discours est un véritable déchet de la pensée humaine. Une pyromane indécente qui, on l’imagine, va ensuite s’insurger contre les émeutes déclenchées par ce meurtre gratuit et ce genre de propos.
Elle extrème-droitise son discours en essayant de faire flamber les émotions. Elle est déjà en campagne pour 2027 et cherche à reproduire le duel Renaissance/RN de 2022 de sa circonscription. Un siège assuré à l’assemblée gràce à un deuxième tour républicain ? Deuxième tour républicain dont elle oubliera vite ses électeurices.
Mais pour quelle dignité ? Pour quelle vision politique de notre société ?

Une nouvelle fois, déconstruisons les mensonges d’Abadie :

L’état de droit serait de laisser le monopole de la force à la Police ? C’est faux. La police est dépositaire de l’ordre. L’état de droit c’est la séparation des pouvoirs pour éviter que le régime ne devienne une tyrannie. Notre constitution est déjà fallible : la police a reçu en délégation une partie du pouvoir judiciaire au lieu de s’en tenir strictement à l’exécutif, c’est ce qui lui permet de mettre des contraventions mais c’est aussi une porosité inacceptable dans la séparation des pouvoirs et la porte ouverte à ce sentiment de toute puissance de la police.

Un autre temps, un autre lieu ?

La France de Macron 2023, c’est l’américanisation du vieux continent :

Macron et Abadie vénèrent la StartUp Nation. Sa violence intrinsèque se dévoile. La France s’américanise. Le net déborde de statistiques morbides : Les américains noirs ont 3,5 fois plus de risques d’être tués par les forces de l’ordre que les américains blancs. En France, des études récentes de Human Rights Watch et du Défenseur des droits concluent respectivement que les contrôles effectués par la police française sur les mineurs sont « racistes et abusifs » et que « les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes ont une probabilité vingt fois plus élevée que les autres d’être contrôlés ». De nombreu.ses.x chercheur.se.s et militant.e.s appellent ainsi à ce qu’un regard lucide soit porté sur l’historicité des violences policières infligées aux personnes racisées en France.

La France de Macron 2023, c’est le retour à la France des années 80 :

Les crimes racistes et les violences policières souvent impunis dont font l’objet les nord-africains dans les années sont à l’origine de la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. En 2023, la police tue encore celles et ceux qui sont jeunes et racisé.e.s.
Quelle différence entre la Brav-M de Darmanin et les CRS voltigeurs de Pasqua ?
Combien faudra-t-il de Malik Oussekine, de Nahel et de massacres pour que l’Etat et son bras armé, la police, cesse leurs crimes racistes et coloniaux ?

Car c’est bien de cela dont il s’agit :
Florian Bobin, chercheur en histoire, retrace la structuration de la police coloniale, initialement mise en place pour défendre les intérêts financiers de l’empire français. Il évoque la façon dont l’administration et la surveillance des peuples colonisés en Afrique et en France ont cherché à étouffer toute dissidence. Il éclaire ainsi l’historicité des violences policières envers les Africains et Afro-descendants dans le temps colonial puis post-colonial.

« Historiquement, les violences policières sont des continuités de l’esclavage et du colonialisme pour lesquels il n’y a jamais eu de réparations »

La France a en effet une longue histoire de méthodes policières violentes à l’égard des Africains. Non seulement celle-ci a façonné le rapport des autorités policières françaises aux personnes africaines et afro-descendantes, mais elle a aussi structuré les réflexes répressifs des États africains anciennement colonisés par la France.

https://www.contretemps.eu/controle-france-afrique-police-colonialisme-violences-policieres/#_ftn4 :

Et qu’en est-il de l’héritage de la colonisation sur les populations indigènes et leurs descendant.e.s ?

Des millions d’hommes et de femmes à "qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’’infériorité, le tremblement, l’’agenouillement, le désespoir, le larbinisme". La violence coloniale ne se donne pas seulement le but de tenir en respect ces hommes asservis, elle cherche à les déshumaniser. Rien ne sera ménagé pour liquider leurs traditions, pour substituer nos langues aux leurs, pour détruire leur culture sans leur donner la nôtre ; on les abrutira de fatigue. Quel ressentiment en né ? Pour combien de générations ?
Comme l’’écrit Sartre, la violence des armes du colonisé peut faire taire la violence du colon. Certes, mais s’agit-il ici exclusivement de « violence » ? Pas si sûr, tant elle peut aussi relever de la légitime défense.
Quel ressentiment est hérité de ces temps obscurs ?

S’ensuivent les émeutes

Macron le premier responsable de cette violence policière, appelle lui aussi au calme. Le premier responsable de ces homicides volontaires, c’est lui.

Mais les émeutes c’est s’attaquer aux symboles de la domination. C’est de la violence symbolique. Des écoles ont brûlé. Peut-être parce que l’école apprend souvent à intérioriser la hiérachie et les dominations sociales. Elle apprend même à celles et ceux qui y réussissent le moins à culpabiliser de leur travail usants et peu reconnu. "Tu n’avais qu’à travailler à l’école". Quand on sait que le déterminisme social est déjà visible dès la maternelle...
Celles et ceux qui ne comprennent pas le message que nous renvoient les incendies de la révolte sont sûrement celles et ceux qui font partie des dominants, ou qui espèrent en être.

Face aux émeutes, les solutions de Macron c’est plus de caméra, moins de réseaux sociaux, plus de policier.e.s, en appeler aux parents... Et n’oublions pas les morts passés sous silences, pendant les émeutes, dont Mohammed B. qui aurait été tué à Marseille par un tir de LBD.

Pourquoi ne pas abroger la loi de 2017 qui permet aux policiers de tirer en cas de refus d’obtempérer ? Pourquoi ne pas désarmer la police ? Pourquoi ne pas mieux former les policier.e.s ? Pourquoi ne pas reconnaitre le racisme systémique de l’institution judiciaire et de la police, son historicité coloniale ? Pourquoi ne pas donner plus de moyens aux écoles pour qu’elles soient une vraie chance et non une institution qui va accentuer les inégalités sociale et le racisme institutionnel ?

Le 14 juillet, une émeute constitutrice de notre pays.

La prise de la bastille, le 14 juillet 1789, c’est une émeute, un pillage et la libération de prisonniers politiques. Les émeutier.e.s avaient avant tout besoin d’armes pour se battre contre les armées du roi, armées dirigées par des nobles. Les émeutier.e.s s’en prennaient aux symboles de la royauté.
Révolution qui aura terminé par l’accès au pouvoir de la bourgeoisie.
Le 14 juillet en France c’est depuis plusieurs décénnies une nuit d’émeute pendant laquelle sont brûlées des voitures et des bâtiments publics. La tradition reste intacte. Des mortiers sont tirés, souvent à l’horizontal.

Macron va célébrer cette unité nationale gràce à ses véhicules blindés, ses cortèges de CRS et ses anulations de festivités dans de nombreuses communes. Il pourra fêter dans le déni ses 100 jours d’appaisement.

Pour Abadie ce sera certainement quelques RG à ses côtés, on ne sait jamais.

Mais une question reste : chez qui y a-t-il le plus d’humanité ? chez des jeunes excédés par les crimes racistes de la police et les promesses non tenues de notre République ? ou chez vous, Abadie, qui cherchait à faire monter le RN par vos propos indécents et manipulateurs ?

Note des auteurices : tout le texte n’est pas féminisé à dessein car les policiers CRS sont très souvent des hommes cis face très souvent à des jeunes hommes racisés cis. Les femmes sont majoritairement absentes de l’espace public dans cette question.

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