Analyses Ecologie

"Vortex, faire face à l’anthropocène"

1ère partie de la lecture de l’ouvrage de Laurent Testot et Nathanael Wallenhorst « Vortex, faire face à l’anthropocène » :
Comprendre « Les neuf limites planétaires » à ne franchir sous aucun prétexte !

Vortex est un excellent livre de vulgarisation sur le sujet, sorti en 2023. Ici, on ne déroulera pas toute la substance du chapitre, mais on donnera des clés simples pour comprendre, avec les mots de l’ouvrage. Dans le livre, vous trouverez tous les détails et références scientifiques.

Quelles sont les limites planétaires ?

1. Le changement climatique
2. L’érosion de la biodiversité
3. Le changement d’utilisation des sols
4. L’utilisation de l’eau douce
5. La perturbation des cycles du phosphore et de l’azote
6. L’acidification des océans
7. L’augmentation des aérosols dans l’atmosphère
8. L’appauvrissement de l’ozone dans la stratosphère
9. La pollution chimique

A chaque processus, un seuil : point de bascule irréversible dans un autre type de fonctionnement. Une limite : positionnée à distance du seuil pour laisser aux sociétés humaines le temps de se réorganiser et s’éloigner de la zone dangereuse.
En 2009, trois limites sont déjà franchies : 1, 2 et 5 (pour l’azote). A l’époque déjà, continuer à consommer des énergies fossiles fait courir le risque de changements brusques et irréversibles dans le fonctionnement du climat et des écosystèmes.

En 2015, deux limites supplémentaires sont franchies : 3 et 5 (pour le phosphore), puis 4 et 9 très rapidement. Nous en sommes donc à six limites planétaires franchies sur neuf.
Linn Persson, chimiste de renom international : « La production de produits chimiques a été multipliée par 50 depuis 1950.Elle devrait tripler d’ici 2050.

Limite 1 : Le climat, à ne plus chauffer !

Nous sommes à ce jour à +1,1° au-dessus des T° de références (entre 1850 et 1900), +0,7° par rapport à 1980
Principal accusé : les gaz à effet de serre (GES), soit :
-  CO² dioxyde de carbone : 74% des émissions mondiales, combustion des énergies fossiles. La moitié du CO² persiste 30 ans dans l’atmosphère, l’autre moitié, plusieurs siècles.
-  CH4 méthane : 17% des émissions, dû à l’élevage industriel de ruminants, rizières, extraction d’énergies fossiles. Chauffe 25 x plus que le CO², persistance de 12 ans dans l’atmosphère.
-  N²O protoxyde d’azote : 6% des émissions, provient des engrais azotés, fumiers, lisiers, résidus de récolte. Pouvoir chauffant 298 x plus que le CO², persistance de 120 ans. Le premier responsable de la dégradation de la couche d’ozone.
-  Gaz fluorés : réfrigération, climatisation, isolation des bâtiments. Pouvoir réchauffant 1300 à 24 000 x plus que CO², persistance de quelques mois à 50 000 ans.
Principaux émetteurs : production d’énergie (35%), agriculture (24%), industrie (21%), transports (14%), bâtiment (6%)
Pour les climatologues, deux paramètres sont essentiellement à prendre en compte : le taux de CO² dans l’atmosphère et le taux de forçage radiatif.

1. Le taux de CO² dans l’atmosphère : Concentration très suivi depuis les années 60 ( ! ). On sait que durant les 12 000 ans de l’holocène (notre période géologique actuelle), il a flotté autour des 278 ppm (partie par millions). En 2009 = 387 ppm, en 2015 = 398,5 ppm, en 2022 = 420 ppm.

2. Le taux de forçage radiatif : quantifie les échanges énergétiques résultant du rayonnement solaire lorsqu’il atteint l’atmosphère. Un forçage radiatif positif tend à réchauffer la terre. Exemple, le rayonnement infrarouge après avoir été réfléchi en direction de l’espace, est renvoyé vers la terre. La hausse du taux de F.R n’aurait pas dû excéder 1Watt/M². En 2009 donc, nous étions à 1,5W/M²

Limite 2 : la biodiversité, à respecter !

En cause première : le changement d’affectation des sols, entraine une fragmentation mortifère des écosystèmes. Pesticides, engrais azotés (qui détruisent faune terrestre et océanique et alluviale), plastiques, bruits … Jusqu’à 30% des mammifères, oiseaux, amphibiens pourraient s’éteindre au cours du siècle.
Modifier un paramètre, bouleverse tout, l’anthropocène est systémique. Exemple :
Les grands poissons et grands cétacés disparaissent à cause de la surpêche. Ces animaux au sommet de la chaine alimentaire qui digéraient les petits poissons qui digéraient le zooplancton qui digérait le phytoplancton, ces deux derniers emprisonnant le carbone… Ces animaux donc, le rejette plus sous forme de déchet au fond de l’océan ce carbone qui dans les profondeurs ou il sédimentait !

Espèce clé de voute : indispensable au maintien d’un écosystème donné

Complexité : un écosystème est complexe par nature. On ne peut pas en raser un en prétendant en installer un autre ! Une forêt primaire rasée, c’est 7 à 8 siècles avant qu’elle ne retrouve toutes ses fonctions.

Dynamique : Les écosystèmes s’adaptent en permanence, plus il est varié, plus il sera résilient. Cela va de pair avec la diversité génétique et la diversité fonctionnelle.

Lorsqu’on parle de « 6ème extinction de masse », il faut savoir que les cinq autres (Ordovicien, Dévonien, Permien, Trias-Jurassique, Crétacé) se sont étalées sur des millions d’années !
Depuis 1970, la biomasse (poids total sur la terre) des mammifères sauvages a baissée de 82%
Selon l’IPBES (le GIEC des animaux …) « Cette perte de diversité, notamment génétique, compromet sérieusement la sécurité alimentaire mondiale en affaiblissant la résilience d’un grand nombre de systèmes agricoles ». « les trajectoires actuelles ne permettent pas d’atteindre les objectifs de conservation et d’exploitation durable de la nature (…) et ne peuvent être réalisés que par des changements en profondeur »

Biomasse des vertébrés terrestres en 2019 :
Mammifères : 36% des humains, 60% du bétail, 4% des animaux sauvages
Oiseaux : 70% des poulets et autres volailles, 30% des oiseaux sauvages

Limite 3 : les sols, à ne plus user !

L’indicateur est le % de la couverture terrestre mondiale transformée en terres cultivées. Elle est posée à 15%, et nous étions à 11,7% en 2009.
L’agriculture industrielle a modifié nos sols en profondeur. Elle l’appauvrit avec les intrants. Depuis 50 ans, 0,8% par an, c’est l’expansion des terres agricoles au dépend de la forêt. Cela menace la biodiversité, et menace les capacités de régulation du système terrestre, et perturbe aussi fortement les cycles de l’eau.

Limite 4 : L’eau douce, à ne plus gaspiller !

La limite pour l’eau douce est fixée à 4000Km3/d’eau « bleue » (douce) par an. En 2015, nous étions à 2600Km3 = 70% pour l’agriculture, 20% par l’industrie, 10% par le domestique.
Les flux d’évaporation influencent les précipitations ; pour qu’il pleuve dans une région, il faut qu’il y ait de l’eau ! Le risque de surconsommation est aussi celui de la savanisation.

Nous avons asséché 25% des bassins fluviaux =
-  Des espèces s’évaporent donc des écosystèmes
-  La sécurité alimentaire est fragilisée
-  Le carbone autrefois capté ne l’est plus et stagne dans l’atmosphère

Limite 5 : Phosphore et azote, réduire les flux !

L’un est un minéral, l‘autre un gaz. L’agriculture industrielle a tellement appauvrit les sols, et ajouté trop de ces deux composants, qu’elle perturbe leur cycle à un très large niveau. Leurs deux flux sont nommés « flux biogéochimique » par l’équipe du scientifique Steffen.

En 2009, nous produisons 120 millions de tonnes de diazote/an. 90% servent d’engrais.
Cet excès pollue et asphyxie cours d’eau, côtes, nappes phréatiques. Sa dégradation libère de l’ammoniac (NH3), du protoxyde d’azote (N²O, souvenez-vous, un G.E.S). Selon les spécialistes, nous devrions, pour ne pas éroder le système terre, nous contenter de 35 millions de T/an.
En 2009, nous extrayons 20 millions de T / an de phosphore, dont 80% pour fabriquer de l’engrais, mais aussi du dentifrice… On estime que 8 à 9 millions de T finissent dans l’océan. Nous multiplions ainsi par huit le volume de phosphore en circulation.

Trop de phosphore = eutrophisation = la croissance des algues est dopée, elles consomment tout l’oxygène, et l’essentiel des organismes meurent. Trop de phosphore et l’océan devient un cimetière, phénomène renforcé par les apports d’azote !
Pour conserver une eau douce en bon état, il faut réduire les flux biogéochimiques par deux. On est à ce jour à 11Tg (téragrammes)/an, il en faut 6, 2Tg maximum. 1Tg = 10000000000000 grammes = 1 milliards de kilos

Limite 6 : les océans, à ne plus acidifier !

-  Les océans s’acidifient. L’absorption de la moitié de nos émissions de CO² met en péril le plancton, qui en est le principal capteur. De 1751 à 2004, le PH (mesure de acide à basique, échelle de 0 à 14) est passé de 8,25 à 8, 14. Autrement dit, l’acidité a été augmentée d’1/3 en deux siècles !
Conséquence : les coraux meurent car ils ont besoin de calcaire pour se consolider, ledit calcaire dissout par l’acidification. 14% des coraux de la planète sont morts entre 2008 et 2019. Disparaissent avec eux, tous ce qui porte une coquille, notamment le zooplancton, rappelez-vous, une pompe à CO² !
Le corail est un élément clé de voute, c’est bien le danger gravissime.

-  Les océans reçoivent de plus en plus de plastique dont la dégradation dévaste les milieux marins (le 6ème continent de plastique flottant)
-  Ils se réchauffent en surface comme en profondeur détruisant les ecosystèmes et forçant des espèces à migrer.
-  Ils sont parsemés de zones mortes générés par les rejets de phosphore et d’azote
-  Ils sont surexploités par la pêche humaine. L’essor de la pêche industrielle a diminué de moitié la biomasse mondiale des poissons de mer pesant plus de 100G.

Limite 7 : Les aérosols atmosphériques, ne plus en utiliser !

Ce sont des « particules fines » ou « ultrafines » en suspension dans l’air. Par exemple, celles émises par la combustion du diesel, ou par le chauffage au bois.. Il y a aussi des activités naturelles qui en émettent comme les volcans, les incendies. Elles sont responsables de nombreuses maladies, et augmentent la mortalité des plus fragiles d’entre nous.
L concentration des aérosols a doublée depuis 1750. C’est une limite planétaire à cause de leurs effets sur le climat. Ils ont un effet refroidissant et réchauffant à la fois ! Ils empêchent les rayonnements solaires d’atteindre l’atmosphère, et entravent la réflectivité du rayonnement vers l’espace. Ils modifient la constitution nuageuse, impactent le cycle de l’eau, dérèglent la mousson …

Limite 8 : l’ozone, à ne plus dégrader !

La couche d’ozone a une épaisseur de 10 à 40 Km dans la stratosphère. Elle s’amincit< ; elle est vitale pour retenir les ultraviolets émis par le soleil. Mais, à basse altitude, elle est nocive pour différentes formes de vie (dont l’homme), et, est un polluant.
La principale cause de la dégradation de la couche d’ozone, est l’émission de CFC, ces satanés produits chimiques contenus dans les frigos, les climatiseurs, les mousses isolantes, des agents nettoyants…
Dans les années 1990, il y eut consensus autour de la question de la préservation de la couche d’ozone. En conséquence, il y a eu une regénération de la couche d’ozone stratosphérique. Enfin une bonne nouvelle ! Nous avons été capable de respecter cette limite planétaire.

Limite 9 : la pollution, menace invisible.

La pollution, les scientifiques l’appellent aussi « introduction de nouvelles entités ». Nous créons des produits qui n’existent pas dans la nature. Ils ont des effets indésirables au niveau biologique, et au niveau géophysique. Cela influence le développement des humains comme des écosystèmes, et influe sur la biodiversité et le changement climatique.
On a créé plus de 180 000 de ces substances. Notre industrie chimique en invente chaque jour ! Tous ces produits passent de l’industrie à la chaine alimentaire. Nous en retrouvons des traces absolument partout.

suggestion article