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CONTRE CARREFOUR ET POUR LES AUTORÉDUCTIONS, Procès le 7 octobre à Paris

En janvier 2021, après presque un an de confinement, une cinquantaine de militant·es et précaires ont procédé à une action de réquisition alimentaire (autoréduction) dans un Carrefour market à Paris. Pour y avoir participé, deux personnes ont été condamnées à verser au groupe Carrefour plus de 38 000 euros. Elles ont décidé de faire appel et leur procès aura lieu le 7 octobre 2024 à la cour d’appel de Paris. Outre les dommages et intérêts exorbitants, cette affaire pourrait faire jurisprudence pour d’autres actions du même type. C’est donc aussi la défense de cette pratique militante qui est en jeu.

ON A TOU·TE·S DROIT AU MEILLEUR, ALORS PRENONS-LE !

En mars 2020, en pleine pandémie, alors que l’État abandonnait les plus précaires et que les associations caritatives avaient dû cesser toute activité, de nombreuses personnes partout en France se sont mobilisées autour de l’autodéfense alimentaire et sanitaire en distribuant repas et kits de protection (masques cousus à la main et fioles de gel hydroalcoolique), notamment au sein de « brigades de solidarité populaire ». Après avoir organisé durant des mois des récup’ au « marché d’intérêt national de Rungis », des collectes devant les supermarchés et des appels aux dons de particuliers, certaines personnes ont décidé de ne plus se contenter des miettes et des invendus de médiocre qualité et de pousser la grande distribution, qui profitait grassement de cette crise sanitaire, à contribuer à cette solidarité.

Le samedi 30 janvier 2021, au sortir du deuxième confinement et en plein couvre-feu, nous sommes donc une cinquantaine de personnes à avoir rempli des caddies de produits alimentaires et hygiéniques dans le Carrefour market de la rue Nationale dans le XIIIe arrondissement de Paris. Après avoir distribué des tracts tant aux salarié·e·s qu’aux client·e·s présent·e·s sur place, déployé deux banderoles, bloqué certaines caisses et expliqué au mégaphone les raisons de cette action publique, une négociation a été entamée avec la direction. Contacté au téléphone par le directeur du magasin, le siège de Carrefour a donné assez rapidement son accord pour que les marchandises nous soient concédées, à condition qu’il s’agisse de « produits de première nécessité ».

Cette expression, « produits de première nécessité », ne signifiait pas pour nous produits de mauvaise qualité. Il a donc fallu discuter avec le directeur sur le nombre d’articles choisis, argumenter pourquoi nous avions besoin de produits d’hygiène (tampons, serviettes...) et pas seulement de nourriture. Pourquoi nous voulions prendre du lait maternisé bio, pourquoi nous choisissions des couches pour bébés sans chlore plutôt que les moins chères… Au bout d’une heure, nous sommes partis avec l’accord de la direction de Carrefour, les sacs vérifiés par les agents de sécurité, et sous le regard de la police présente à la sortie du magasin. Les denrées récupérées ont ensuite été redistribuées grâce à des réseaux de solidarité tissés depuis le premier confinement avec des mères isolées, des étudiant·es, des travailleur·se·s sans papiers... De quoi prendre soin de soi, se nourrir, se protéger, se laver, sans se soucier du prix.

QUAND LA JUSTICE MAXIMISE LES PROFITS DE LA GRANDE DISTRIBUTION


Juste après l’action, deux personnes ont été aléatoirement contrôlées, puis condamnées quelques mois plus tard pour vol en réunion sur la base d’un dossier monté uniquement à charge par Carrefour, qui est revenu sur son engagement à céder les marchandises sans poursuite judiciaire. Bizarrement, c’est la procureure qui a peut-être le mieux compris la portée politique de l’action en comparant les inculpé·es à des « Robins des Bois ». Elle a dit avoir hésité à trouver une qualification pénale, pour finalement réclamer un « avertissement », soit une peine de 2 000 euros avec sursis simple. Pendant ce temps, la juge - qui somnolait - a laissé tomber le verdict : un avertissement et 2 000 euros avec sursis du côté du pénal et côté civil plus de 38.000 euros en dommages et intérêts pour le groupe Carrefour.

Au-delà des incohérences juridiques, la condamnation des camarades pour une action de solidarité en pleine pandémie mondiale, avec la précarité et la détresse alimentaire de millions de personnes, isolées par les confinements successifs, et, en miroir, une augmentation vertigineuse des profits de la grande distribution profitant de la fermeture des marchés et des commerces de proximité, est l’indécence incarnée. Faut-il rappeler les 94 milliards d’euros de chiffre d’affaires l’année dernière du géant de la grande distribution ?

Car le groupe Carrefour est en effet un modèle d’entreprise qui sait profiter de toutes les crises. En 2019 et 2020, la multinationale, dont les magasins sont restés ouverts lors des confinements, a connu une hausse de son chiffre d’affaires sans précédent depuis vingt ans. Après la pandémie, les hypermarchés ont décidé de profiter de l’inflation pour se revitaliser. En novembre 2022, Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, a présenté son plan stratégique pour les quatre prochaines années : miser sur le discount pour attirer des client·e·s de plus en plus pauvres, développer sa marque propre pour réduire les coûts et, bien sûr, supprimer des postes. Ce qui n’empêche pas l’enseigne française, bien au contraire, de communiquer à coup de labels et de fondations sur sa politique d’« engagement sociétal » et de « transition alimentaire solidaire ». Green et social washing à plein nez alors que l’inflation perdure en France et que nous peinons à nous nourrir, nous chauffer, nous loger, nous vêtir. Face à la vie toujours plus chère, nous refusons la criminalisation de l’autoréduction, qui est une pratique qui s’impose comme une réponse légitime face à des inégalités toujours plus criantes.

Parce que le groupe Carrefour a mis en danger la vie de ses salarié·e·s pendant la pandémie et qu’il s’engraisse sur leur dos, parce qu’il appauvrit les paysan·ne·s pour mieux s’enrichir, parce qu’il est complice des crimes de guerres de l’État d’Israël et qu’il contribue à la déforestation en Amazonie, parce qu’il y a mille et une raisons de détester Carrefour... Parce que nous continuerons à tisser des liens de résistance et à prôner une solidarité offensive dans nos modalités d’actions, nous appelons à multiplier les actions contre Carrefour et venir soutenir les camarades inculpé·e·s lors de leur procès en appel.

RELAXE POUR LES DEUX CAMARADES INCULPÉ·E·S !

Rendez-vous le lundi 7 octobre 2024 à 13h30
Pôle 2 - Chambre 15 à la Cour d’appel de Paris (ancien TGI, métro Cité)

carrefourretiretaplainte.noblogs.org

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