10 ans après Ne vivons plus comme des esclaves, 8 ans après Je lutte donc je suis et 5 ans après L’Amour et la Révolution, voici le tour du quatrième film : Nous n’avons pas peur des ruines (…nous portons un monde nouveau dans nos cœurs) de Yannis Youlountas.
en 2019, Kyriakos Mitsotakis, président du parti Nouvelle Démocratie(et quelle démocratie !) est arrivé au pouvoir en contentant les différentes tendances à droite : les conservateurs traditionnels, les ultralibéraux et l’aile droite autoritaire et xénophobe. Il s’est fait connaitre avec des sorties racistes du genre "pour éviter la venue de migrants, il faut qu’il y ait des morts aux frontières..." ( L’expérience montre que c’est faux. Les 8541 noyé.e.s en méditeranée en 2023 et les 63000 morts en 10 ans dans le monde n’arrètent pas les migrants.)
Le film nous montre l’offensive promise par Mitsotakis contre Exarcheia (quartier populaire et alternatif d’Athènes) qui venait alors de commencer : occupation brutale du quartier, évacuation hebdomadaire de squats, propagande médiatique, répression tout azimuts mais surtout la résistance et la réponse déterminée des groupes solidaires autonomes partout en Grèce.

Le mouvement social grec a repris le slogan de 1936 en Espagne : « No Pasaran », une banderole « No Pasaran » a longtemps barré la rue Notara, à l’ouest d’Exarcheia, rappelant une banderole similaire en 1936.
Alors que le gouvernement répétait : « nous ferons de vos lieux des ruines », ils répondu d’une même voix : « Nous n’avons pas peur des ruines » inspirée par une phrase célèbre de Buenaventura Durruti :
« Nous n’avons pas peur des ruines, nous sommes capables de bâtir aussi… la bourgeoisie peut bien faire sauter et démolir son monde à elle avant de quitter la scène de l’Histoire, nous portons un monde nouveau dans nos cœurs. »
Oui, nous portons un monde nouveau dans nos cœurs, en Grèce comme ailleurs.
« Nous savons qu’au-delà de la catastrophe écologique et sociale, la vie trouvera un chemin et nous reconstruirons autrement la société. Nous sortirons, tôt ou tard, de la préhistoire politique de l’humanité. Nous prendrons résolument nos vies en mains, sans plus jamais nous laisser piétiner. Nous sommes ensemble « la vie qui se défend. »
De Crète en Épire (nord-ouest de la Grèce), les luttes sont aussi difficiles, face à un pouvoir décidé à transformer la terre et la mer en marchandise. Parmi les bonnes nouvelles : le géant français Total a finalement renoncé à effectuer des forages pétroliers au large de la Crète.
Le squat d’exilé.e.s Notara 26 est toujours là. La structure autogérée de santé d’Exarcheia (ADYE) continue de soigner les précaires du quartier et d’ailleurs, tout comme les cuisines solidaires gratuites se démènent pour les nourrir. Les serres occupées de l’ancien jardin botanique fournissent les fruits et légumes.
Le centre social occupé K*Vox reste la base principale du groupe Rouvikonas qui a, lui aussi, surmonté bien des épreuves ces dernières années, mais reste obstinément la bête noire du pouvoir déterminé à le neutraliser.
La résistance a également trouvé des formes étonnantes, par exemple sur l’île de Paros, dans les Cyclades, où des collectifs de résidents refusent la multiplication des plages privées fermant l’accès à la mer. De plage en plage, ils parviennent à les endiguer en rouvrant un accès gratuit aux joies de la mer pour les petits et les grands. Durant l’été 2023, les victoires ont été nombreuses, grâce aux convergences de luttes.
A Rethymnon, en Crète, le club de foot antifa « Livas » propose un sport organisé sans hiérarchie, dans un esprit de coopération et de synergie, une toute autre pratique de ce sport-roi du capitalisme triomphant. L’idée est de ne pas abandonner le football et d’autres loisirs très appréciés des enfants aux mains du business et de la société du spectacle. « On peut faire du foot autrement » annoncent nos camarades souriants, hommes et femmes, petits et grands.
Pendant ce temps, à Athènes, des professeurs d’écoles primaires manifestent devant les camps de migrants pour faire libérer leurs élèves raflés à Exarcheia, durant des évacuations de squats. Et ils y parviennent !
Le squat de la Rosa Nera à Xania (Crète) au centre de la ville est repris aux forces de police, et à Iraklio, le Club de randonneurs Antifa propose des ballades sur l’ile.
Des convois solidaires à ces luttes partent chaque année de France et l’entaide vient du monde entier pour soutenir les camarades grec.que.s dans leurs luttes.
La question qu’on peut se poser, c’est qu’est-ce qui fait peur au gouvernement dans ses organisations sociales horizontales ? Exarchea est un exemple d’intégration réussi ou le migrants n’est plus un problème. Tout comme le dispensaire autogéré de Pikpa, espace de vie commune, ou les réfugiés sans police ni vigiles, s’y sentaient pourtant en pleine sécurité, contrairement au camp de Moria sous gestion policière. Dans ce pays ou la dette a été reglée par un transfert massif de richesses des classes populaires vers le capital national et international, la soustraction à l’assujettissement financier est insupportable à ce gouvernement libéral auquel s’ajoute des relents de l’idéologie fascistes véhiculées lors la dictature de Metaxas en 1936, et de la dictature des colonels de 1967 à 1974 cherchant encore une fois à détruire le camp de la promotion des valeurs sociales et la conscience de défendre des intérêts communs à l’encontre des dirigeants politiques.
Si la salle de la bergerie était fraiche, l’ambiance était chaude.