I - Les patients des hôpitaux psychiatriques ne sont pas tous des malades mentaux anxiogènes et meurtriers
Mis systématiquement à l’écart parce qu’ils sont considérés comme dangereux, les malades dits mentaux sont des individus à part entière. Chacun porte son lot de souffrances mais aussi de résistances et c’est ce point central, la résistance, qui implique de transformer nos regards sur la maladie mentale. La folie n’est pas un tabou mais une partie intégrante de la diversité humaine, exactement comme le sentiment d’injustice. Catalogués comme violents, ces malades se retrouvent immédiatement dans un rapport de force inégale, où leur parole défaillante et toujours perçue comme suspecte est systématiquement ignorée. Cette parole, inaudible et discréditée n’est plus qu’un murmure sans portée face à des systèmes qui privilégient le rationnel, le légal et le calculable. L’injustice est double : violence et incompréhension lorsque ces personnes se battent pour être entendues ou pour être crues (contentions, camisoles, médication, ECT*) et efficacité des papiers et des normes pour le personnel soignant soumis au risque pénal (froideur des textes législatifs et pratiques bureaucratiques). Des facteurs qui traduisent ce déni de reconnaissance et qui constituent une violence invisible qui anéantit la dignité des plus fragiles tout en renforçant leur marginalisation.
II - Sommes nous prêts à déconstruire les préjugés sur la folie selon l’expérience de Basaglia ?
Qui se rappelle de l’expérience de Franco Basaglia* ? En Italie dans les années 60/70, Basaglia a radicalement transformé la psychiatrie en fermant les hôpitaux psychiatriques et en redéfinissant la relation entre les malades mentaux et la société. Précurseur des témoignages sur leurs conditions de vie par les fous eux-mêmes, il a prouvé que l’isolement et l’enfermement n’étaient pas de véritables soins. En restaurant leur liberté il a favorisé l’intégration et la reconnaissance de l’humain malade.
Pourquoi ne pas réinventer cette expérience dans le domaine psychiatrique français qui demeure un lieu de souffrance, où la contrainte et la stigmatisation sont encore omniprésentes ? Pourquoi ne pas envisager une guérison véritablement humaine dans ces institutions qui reproduisent des logiques d’exclusion ? Repenser l’hôpital psychiatrique selon l’expérience Basaglia signifierait sans doute la fermeture de grande structures psychiatriques mais favoriserait la mise en place de réseaux de soins basés sur une véritable écoute, un véritable accompagnement et une réhabilitation sociale, la place des malades dits mentaux dans la société serait réévaluée. L’hôpital psychiatrique ne serait plus considéré comme un lieu de confinement mais bien comme un espace de paix où la parole, la dignité et la liberté redeviendraient le rendez-vous de la guérison. Rendre leur liberté aux fous dans la société devrait nous convaincre que la liberté est au cœur de tout processus de guérison et non plus un rapport de forces.
Réanimer l’esprit de Basaglia en France rendrait la voix aux invisibles et ferait de la folie une question politique, éthique et humaine, en permettant aux plus fragiles de retrouver leur humanité dans un monde qui fabrique les laissés pour compte.
*Franco Basaglia est un psychiatre italien critique de l’institution asilaire et fondateur du mouvement de la psychiatrie démocratique. Durant les années 1960, il est l’organisateur à Trieste et à Gorizia des communautés thérapeutiques qui défendent le droit des individus psychiatrisés
* ECT : électrochocs